Génération Z au travail : fainéante ou en quête de sens ?

Fainéante, la Génération Z ? Non. Ses attentes (flexibilité, sens, équilibre) prolongent celles des générations précédentes. Une évolution, pas une rupture.

Génération Z au travail : fainéante ou en quête de sens ?
Photo by Or Hakim / Unsplash

Contrairement aux stéréotypes, la Génération Z ne rejette pas le travail, elle cherche à lui redonner du sens. Leurs attentes sont dans la continuité des générations précédentes : recherche de flexibilité, d'équilibre vie pro/vie perso et d'engagement. Décryptage générationnel pour remettre les idées en place.


Une méfiance envers la Génération Z : un classique intergénérationnel

Depuis leur arrivée sur le marché du travail, les jeunes de la Génération Z (1995-2010) font l'objet de nombreuses critiques : manque d'engagement, fainéantise, absence de culture de l'effort... Mais ces discours, souvent simplistes, occultent une réalité bien plus nuancée.

Comme pour les Millennials avant eux (et la Génération X avant eux encore), la Génération Z s'interroge sur le sens du travail. Et si ce questionnement était tout simplement une évolution naturelle des priorités ?


Ce que veut vraiment la Génération Z

Les études récentes (Forbes, Cornerstone, Le Monde(source 1, source 2, source 3)) montrent que la Génération Z accorde une importance majeure à :

  • La flexibilité : horaires modulables, télétravail, autonomie dans l'organisation.
  • L'équilibre vie pro / vie perso : 75% déclarent qu'ils refuseraient un job trop intrusif.
  • L'alignement des valeurs : ils veulent travailler pour des entreprises à impact, qui respectent la diversité et l'environnement.
  • La reconnaissance : feedback régulier, possibilités d'évolution, participation aux décisions.

Bref, ils ne veulent pas moins travailler. Ils veulent mieux travailler.


Retour en arrière : les mêmes attentes chez les générations précédentes

Contrairement à ce que certains discours laissent entendre, les attentes de la Génération Z ne tombent pas du ciel. Elles s'inscrivent dans la droite ligne de leurs prédécesseurs :

▶ Génération Y (Millennials) (1980-1995)

  • Sens du travail, épanouissement, reconnaissance.
  • Flexibilité et technologies au cœur de leurs pratiques.
  • Volonté de changer d'emploi si les valeurs ne sont pas partagées.

▶ Génération X (1965-1980)

  • Volonté d'équilibre vie pro/vie perso déjà présente.
  • Autonomie et adaptabilité en réponse à un marché de l'emploi instable.
  • Esprit entrepreneurial développé.

En réalité, chaque génération a remis en question le modèle hérité de la précédente. Ce n'est pas un rejet du travail, mais une façon différente de le penser.


Mai 68 : quand une génération a remis en question le travail

Dans notre analyse du rapport des générations au travail, il est essentiel de revenir sur un moment historique charnière : Mai 1968. Souvent évoqué comme un mouvement étudiant, Mai 68 fut en réalité une révolution sociale menée par une génération entière — celle des baby-boomers — qui a profondément transformé les rapports au travail, à l’autorité et à la liberté individuelle.

Une contestation massive du modèle productiviste

À la fin des Trente Glorieuses, la société française reposait sur une logique industrielle et hiérarchique. Le travail était considéré comme un devoir, souvent pénible, mais nécessaire pour contribuer à la reconstruction du pays. Les usines tournaient à plein régime, les semaines de travail dépassaient les 50 heures, et les relations de travail étaient strictement verticales.

Mais en mai 1968, 7 millions de salariés se sont mis en grève, aux côtés des étudiants, pour revendiquer autre chose que des augmentations de salaire. Bien sûr, les accords de Grenelle ont abouti à des hausses de rémunération significatives. Mais le mouvement allait bien au-delà.

Que réclamait cette génération ?

  • Moins de temps de travail, plus de temps pour vivre
    Le slogan « Vivre sans temps mort, jouir sans entrave » résume bien l’aspiration à une vie moins centrée sur la productivité.
  • Un travail plus démocratique
    Des demandes de cogestion, de participation aux décisions, de respect de la parole ouvrière : les travailleurs ne voulaient plus seulement exécuter, mais aussi penser et contribuer.
  • Une contestation de l’autorité hiérarchique
    Le management traditionnel fondé sur l’obéissance était mis en cause. On réclamait plus de liberté, plus d’horizontalité.
  • Un refus du modèle sacrificiel
    L’idée que le travail était une souffrance noble à endurer toute sa vie était rejetée. Travailler pour vivre, et non l’inverse, devenait un mot d’ordre.

Une rupture générationnelle qui résonne encore

En cela, Mai 68 a marqué une césure. Il a permis à une génération de poser une question toujours d’actualité :
Et si le travail n’était pas qu’un moyen de production, mais aussi un espace d’émancipation ?

Cette réflexion est aujourd’hui reprise, notamment par la Génération Z, souvent accusée de « ne plus vouloir travailler ». Pourtant, il ne s’agit que d’une poursuite de la déconstruction entamée en 1968 : chercher du sens, revendiquer un meilleur équilibre, refuser la souffrance comme norme professionnelle.

En somme, parler des générations et de leur rapport au travail sans évoquer Mai 68, c’est oublier que ce sont souvent les plus jeunes qui remettent en cause les certitudes héritées — pour réinventer un avenir plus libre, plus juste, et plus humain.


Le travail : toujours une valeur centrale ? Une construction historique

Aujourd’hui, le travail est au cœur de nos vies. Il structure nos journées, fonde notre statut social, conditionne notre sécurité matérielle, et s’impose comme une valeur quasiment sacrée. Mais cela a-t-il toujours été le cas ? Pas vraiment.

Avant de juger les jeunes générations qui revendiquent un meilleur équilibre ou remettent en question la centralité du travail, il est utile de revenir à l’histoire longue. Et de se souvenir que la glorification du travail est une construction récente, étroitement liée à la révolution industrielle.

Dans l’Antiquité, l’oisiveté était un idéal

Chez les Grecs, le travail manuel était réservé aux esclaves. Les citoyens libres, eux, se consacraient à la politique, à la philosophie ou aux arts. L’otium (le loisir cultivé) était vu comme la forme supérieure d’existence. Travailler, c’était être contraint, et donc ne pas être libre.

À Rome, si l’agriculture était valorisée, les activités marchandes et artisanales étaient laissées aux esclaves ou aux classes inférieures. Le modèle romain valorisait la contemplation, le débat, le prestige, bien plus que la production.

Moyen Âge : une valorisation religieuse du travail… mais pas chez tout le monde

Au sein des monastères, le travail prend une valeur morale : ora et labora (prie et travaille). Il est vu comme un moyen d’éviter le péché, de discipliner le corps, et de participer à la communauté.

Mais dans la société laïque, les nobles méprisent encore le travail manuel. Les paysans travaillent la terre, mais l’aristocratie vit de la guerre, de la rente… et du loisir.

Avant l’industrie, un rapport au temps plus souple

Avant la révolution industrielle, le travail restait rythmé par les saisons, les récoltes, les foires. Il y avait beaucoup de pauses, de fêtes religieuses, et de jours chômés. Le temps de travail n’était pas aussi rigide ni encadré que dans nos sociétés modernes.

La productivité n’était pas une obsession. Travailler beaucoup n’était pas vu comme une vertu, mais comme une nécessité à laquelle on préférait échapper si possible.

L’industrialisation : quand le travail devient une valeur morale

Tout change avec la révolution industrielle. Le développement des usines exige une main-d’œuvre ponctuelle, disciplinée, et productive. Les discours religieux, politiques et économiques convergent : travailler devient une preuve de valeur personnelle.

L’oisiveté est alors stigmatisée, assimilée à la paresse ou au vice. Le travail devient le centre de l’identité sociale, le critère de mérite et le moyen de “réussir sa vie”.

C’est à ce moment-là que naît cette idée que “travailler beaucoup, c’est bien”. Et que l’on commence à glorifier la souffrance au travail, les longues heures, l’abnégation — souvent au détriment de la santé ou de la vie privée.

Une norme récente… et pas universelle

Penser que le travail doit donner du sens à notre vie, qu’il doit occuper notre quotidien, ou qu’il justifie tous les sacrifices n’est pas une évidence anthropologique. C’est une construction historique, née dans un contexte particulier, et qui a été largement institutionnalisée par les entreprises, les écoles, les religions, et les États.

Il est donc logique que de nouvelles générations, dans un monde plus éduqué, plus instable et plus conscient des enjeux de santé mentale, viennent remettre en question cette centralité.

Ce que dit la recherche

  • L’historien Dominique Méda rappelle que la valeur “travail” ne s’est imposée qu’à partir du XIXe siècle, en opposition aux sociétés antiques.
  • La sociologue Dominique Lhuilier évoque, elle, le “travail de santé” que chacun développe pour tenir dans cette injonction à l’implication.
  • Des recherches en anthropologie et histoire du travail montrent que le sens donné au travail est profondément culturel, évolutif, et dépendant du contexte économique.

Et si on arrêtait d’idéaliser le travail… encore une fois ?

Avant de critiquer les jeunes générations, peut-être faut-il simplement reconnaître qu’elles ne rejettent pas le travail. Elles refusent sa glorification. Elles veulent pouvoir vivre autrement, en dehors de l’obsession de performance ou de sacrifice.

Et si, à bien y regarder, elles étaient simplement… en train de revenir à des valeurs plus anciennes ?

Et si le problème était le modèle ?

Plutôt que de juger les nouvelles générations à travers le prisme de valeurs anciennes, ne serait-il pas temps de repenser l'organisation du travail ?

La Génération Z ne revendique pas l'oisiveté, mais un modèle plus respectueux des êtres humains. Elle rappelle à l'entreprise que le management ne peut plus reposer sur le contrôle, la présence ou le sacrifice.

Et au lieu de la critiquer, on ferait peut-être bien de l'écouter.


Il est temps d'arrêter de tomber dans les mêmes travers

Toujours les mêmes critiques... pour chaque génération

Fainéants, insolents, pas engagés, rêvailleurs, déconnectés du monde réel... Ce sont exactement les termes qui étaient utilisés pour parler des Millennials hier, de la Génération X avant eux, et même des baby-boomers dans les années 60 !

🔹 Ce qui change ? Le vocabulaire.

🔹 Ce qui ne change pas ? Le regard biaisé des générations précédentes.

Les biais cognitifs qui polluent notre regard

Ce jugement répétitif n'est pas anodin : il est le fruit de plusieurs biais cognitifs bien documentés :

  • Biais d’ancrage : on juge la nouveauté à l’aune de notre propre expérience.
  • Biais de statu quo : tout changement est perçu comme une menace.
  • Effet de génération : on idéalise sa propre génération et on caricature la suivante.
  • Biais de confirmation : on retient uniquement les comportements qui renforcent nos préjugés ("Ils ne veulent pas travailler, regarde, il est en retard !").

Il faut en finir avec ces automatismes de pensée. Ils nuisent aux recrutements, à l'intégration des jeunes, à l'innovation managériale.

Répéter les erreurs ne les rend pas plus justes

🔹 Imposer la présence physique comme preuve d’engagement ? ❌ C'est du présentéisme.

🔹 Valoriser les horaires tardifs plutôt que les résultats ? ❌ C'est de la culture de la fatigue.

🔹 Mépriser les aspirations au sens ? ❌ C'est ignorer l'évolution naturelle du rapport au travail.

Et si l'on remplaçait ces vieux réflexes par une vraie réflexion ?

Repenser le contrat social au travail

Les jeunes ne demandent pas moins : ils demandent autrement. Et si on écoutait au lieu de juger ?

  • Créons des espaces d'écoute intergénérationnelle.
  • Redonnons de la valeur au feedback mutuel.
  • Sortons de la culture du "on a toujours fait comme ça".

Le monde change. Le travail aussi. Et c’est une chance. Encore faut-il être prêt à se remettre en question.


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